En d’autres termes, les bâtiments ont-ils brûlés avec les initiatives de reconstructions?

Les locaux de la Mairie de Soubré incendiés le mardi 6 février 2018,- par des individus se réclamant commerçants.

Zogo Toussaint Goba

Zogo Toussaint Goba, fils de Soubré

Notre ville est à nouveau meurtrie depuis le début du mois de février 2018, après les évènements d’avril 2011. Hier, ses habitants, du fait de la crise post électorale, se regardaient en chiens de faïence, sans pitié, comme s’ils n’avaient jamais vécu ensemble, comme s’ils ne s’étaient jamais mariés au-delà de leurs communautés d’origine. Hier, on dénombrait des morts. Aujourd’hui, on les épargne, mais on a tué les bâtiments symboliques. Dieu merci, on peut au moins soupirer.

En conséquence, pour ces vies épargnées, les autochtones regardent les choses se dérouler, hagards, désarmés, sans réaction, et surtout sans leader pour relever le défi du vide politique. Hélas! Il ne leur reste que les lâches murmures sous cap.

Pourtant, Soubré est une légendaire, une ville de grande culture où savoir parler français (“quartier latin de Côte d’Ivoire”) et Guéré (langue des ancêtres) furent un culte.
Soubré a été aussi une ville d’accueil depuis la nuit des temps. Elle a accueilli d’abord les colons anglais qui ont été mis en déroute par les autochtones à la suite d’un drame commis par ces derniers sur une femme. Ces colons (“niglissi” ou angalis) ont été remplacés par les français accueillis et installés par Bah Sla Solo, l’ancêtre des GOBA, Biagné et Otrou. Le descendant de cet ancêtre, Zogo Baka, a pris sa relève en accueillant les musulmans pélerins dirigés par Daba Dagnogo Tchéché, qui ont à leur tour été accueillis et installés par le patriarche Zogo Baka, Chef Suprême de Soubré, qui est lui-même a fini musulman. Puis, au temps du Syndicat Agricole, les Mossis de la Haute Volta ont été fournis en personne par le Vieux Gbon de Korhogo (“kloko Gbo”) comme l’on appelait ce patriarche. Ceux-ci travaillaient dans les plantations de café-cacao, sous la haute responsabilité de feu Paul GOBA Coré, alors représentant de ladite Organisation dans la Région du Bas Sassandra. Enfin, il y a eu la vague des Baoulé ou déguerpis de la vallée du Bandama, installés d’autorité par l’Etat ivoirien sous la houlette de l’ARSO dirigée par feu Emmanuel Dioulo. A ces époques, il y avait la paix car les allochtones respectaient des codes de bonne conduite établis avec les autochtones. C’étaient des hommes d’honneur.

Plus tard, certaines population sont arrivées, du fait de l’attractivité de Soubré, une région riche, où tout pousse, où les gens sont accueillants et où l’étranger s’appelle “Djolo” c’est – à dire Chance. Il s’en est suivi une surpopulation et une surexploitation des activités agro-alimentaires. Actuellement, cette région est le chef-lieu des barrages hydro-électriques du pays comme elle a arraché le trophée de la boucle du cacao à l’Est ivoirien. Toutes les nationalités Ouest Africaines se retrouvent désormais dans cette bourgade.

Malheureusement, tout a périclité depuis 2011. Les affrontements fratricides ont laissé de mauvaises traces. Les autochtones pour la plus part, qui n’exerçaient pas le pouvoir réel (économique), ont perdu l’essentiel du pouvoir politique. Ils rasent les murs. Le RHDP est maître des lieux, politiquement. Cette organisation partage la gouvernance de la région de la Nawa entre RDR (Mairie) et PDCI (Conseil Régional).

C’est dans ce contexte socio-politique qu’interviennent ces incendies dévastateurs qui ruinent l’économie de la cité et son organisation administrative.
Que peut faire une ville sans marché? Où vont se rencontrer les vendeurs et les acheteurs? Comment peut-on écouler les produits du terroir? Que vont devenir les commerçants? Que vont devenir ces vendeurs victimes de leur turpide qui ont perdu des millions de francs d’économie dans les flammes? La commune perd chaque jour des centaines de milliers de franc de recettes.
Quant à la Mairie, son inexistence tue la vie administrative. Ses agents sont au chômage technique et sans ressources, sans doute. L’état civil a disparu. Toute identification est donc pour l’instant réalisée de fait. Cela est grave car les actes de l’état civil perdent leur crédibilité, ceux – ci étant faits dans “les mairies par terre et des agents sans qualification”.

Mais il faut dire qu’au terme d’un conflit (armé), il y a toujours un vainqueur. C’est la nature qui le veut ainsi. Cependant, le vainqueur doit avoir la victoire modeste car le pouvoir qu’il a acquis a vocation à s’exercer sur l’ensemble du peuple, sans distinction. Il faut donc rechercher l’adhésion de tout le peuple par des actions participatives, inclusives, non humiliantes. Pensez-vous qu’incendiez les monuments publics est une bonne chose? Ne pensez-vous pas qu’en brûlant ces monuments, vous brûlez les cœurs de vos hôtes, vous leur faites mal? Pensez-vous que pour des problèmes au sein d’un clan, il faille “cramer” les édifices publics, les investissements économiques, devant ceux qui vous ont si bien accueillis? Tout ça parce que vous êtes sûrs “qu’il n’y aura rein”, Le droit de l’autre doit être respecté. A l’église, on dit: “la paix, elle est le regard de l’autre; la paix, c’est vous, c’est moi, c’est nous”. Chaque famille, chaque religion, chaque tradition, chaque rite animiste car institution a son rôle à jouer. La victoire d’un camp ne doit pas être La victoire d’un camp ne doit pas être timtanmardesque. Dans une cité, nous devons nous tenir la main et chercher parmi nous, celui qui peut nous guider, tous, avec l’autorité requis, qui peut nous rassembler et qui est capable de minimiser les blessures, les frustrations et faire pardonner les affres de la vie en société, si on ne peut pas les faire oublier.

Vu l’état actuel de la Mairie de Soubré et son Maire qui a déserté la ville pour des raisons dit-on de sécurité, que deviendront les élections régionale et municipale à Soubré ? Si les listes électorales n’ont pas été conservées au niveau de la CEI locale, si elles n’existent qu’à la Mairie, la voie sera ouverte aux dérives.
Par ailleurs, un plan est-il mis en œuvre pour reconstruire ces bâtiments ravagés par le feu, le plus tôt possible ? Quelques-uns ont commis de grandes bévues. D’autres, dans le désarroi, accusent par peur d’être eux-mêmes dénoncés, sans attendre les enquêtes en cours. Mais nous devons savoir que tous les Soubréens sont concernés par ce drame. Quand le glas sonne, on ne demande pas pour qui il sonne car il sonne pour nous aussi, tout le monde étant enfermé dans la même salle d’où l’on viendra extraire chaque matin une personne à abattre (Ernest Hemingway – l’adieu aux armes). En d’autres termes, ce qui touche l’autre nous touche aussi car c’est un phénomène qui se rapproche lentement mais sûrement de chacun d’entre-nous.

Il y a donc beaucoup à faire pour Soubré qui n’est pas encore sortie de l’auberge. Cependant, les pouvoirs en place dans notre ville natale doivent prendre en compte toutes les forces vives et positives qui peuvent contribuer à l’édification d’un esprit de construction. Ils doivent développer une vision d’avenir et de développement durable qui va au-delà des carcans des partis politiques.

En dehors de ces appréhensions ordinaires, il y a la dimension spirituelle sur laquelle il faut s’interroger. Dieu peut frapper ceux qui enfreignent sa Loi par le Feu. N’est-il pas en train de nous faire des signes par ces incendies à répétition ? Tout comme Dieu peut se manifester par l’eau (Psaume 29 – 3). Notre Esprit Saint, le Nawa, est-il content de nous Soubréens, de notre désertion et de nos déchirements?

BON DIMANCHE A TOUS LES SOUBRÉENS!

Paris, le 25 février 2015,

Zogo Toussaint Goba