La Société de transport abidjanais (SOTRA, société d’Etat concessionnaire du transport public à Abidjan, la capitale économique du pays), les propriétaires et chauffeurs des mini-cars appelés ‘’gbakas’’ et ceux des petits véhicules appelés ‘’wôrô-wôrôs’’ n’en ont que faire des mesures-barrières prises par le Gouvernement Ivoirien en vue de faire barrage à la propagation de la maladie à coronavirus ou covid-19. La recherche effrénée du gain et la cupidité en sont la principale raison.
Port obligatoire du masque ou cache-nez, une mesure du Gouvernement qui est rentrée en vigueur lundi 20 Avril 2020, lavage des mains à l’eau et au savon ou application du gel hydro-alcoolique de manière régulière, tousser ou éternuer dans le pli du coude ne pas se serrer les mains et ne pas faire de baiser sont, entre autres, distanciation d’un mètre entre les personnes, aussi bien dans les espaces publics que dans les véhicules en commun, 50 personnes au plus au cours de rassemblements, autant de mesures que le Conseil national de sécurité a prises, entérinées par le Gouvernement dès la déclaration de la maladie en Côte d’Ivoire.
Les sièges à deux dans les autobus et véhicules de transport en commun continuent de recevoir leurs deux passagers habituels, sans respecter la distanciation d’un mètre
Dénoncées par les populations au départ, elles sont respectées tant bien que mal malgré la grogne de quelques septiques, qui moquent même les bons élèves. La Sotra, les autocars de transport inter-villes ou inter-régions, les taxis-compteurs et communaux et les autres véhicules de types ‘’Massa’’ et ‘’dyna’’ qui assurent le transport des Abidjanais, appelés ‘’Gbakas’’ et ‘’wôrô-wôrôs’’ n’ont pas échappé à ces mesures. Le Gouvernement a décidé que le nombre de passagers à bord des autobus de la Sotra ne dépasse guère 50, y compris le conducteur, celui des ‘’gbakas’’ réduit à 18 pour ceux qui transportaient 22 passagers et 12 contre 16 pour les ‘’dynas’’, y compris le chauffeur et ‘’balanceur’’. Jusqu’au confinement du ‘’Grand Abidjan’’, qui a vu l’arrêt de la desserve de la capitale économique par les autocars. Depuis, c’est la routine, du moins à peu près.
300 F Cfa le cache-nez, chez des vendeurs (vendeuses) que les agents de la Sotra installent dans les gares, à leurs comptes personnels
Mais, depuis la prise de la mesure du portobligatoire du cache-nez, fort est de constater le zèle des agents de la société de transport abidjanais. Alors que les usagers tolèrent que la mesure de la distanciation soit transgressée à l’intérieur des autobus, en ce que les sièges à deux continuent de recevoir leurs passagers habituels, sans le moindre petit espace entre eux, les agents de la Sotra obligent les usagers à porter le cache-nez avant d’avoir accès à l’intérieur de leurs autobus au départ des gares. Tant pis pour celui qui ne l’aura pas porté, et qui n’a pas d’argent pour s’en offrir un par terre, à 300 F Cfa entre les mains de vendeurs (vendeuses) qu’ils ont pris soin d’installer à ces endroits, à leurs comptes personnels. ‘’Le Gouvernement a rendu obligatoire le port du cache-nez. Si vous ne le portez pas, vous ne monterez pas’’, a répondu un agent à votre serviteur, à la gare de Yopougon-Saint André, qui partait pour Cocody-Angré, le samedi 18 Avril 2020. La même injonction lui a été faite à la gare d’Angré pour Yopougon. A la question de savoir pourquoi les sièges à deux continuent de recevoir les passagers comme avant la mesure de distanciation, parce qu’elle est aussi obligatoire, et que des passagers montent à bord des autobus aux arrêts sur le trajet, sans cache-nez, l’agent, péremptoire, répond : ‘’J’ai la réponse, mais je ne vous répondrai pas’’. Ce qui a eu pour effet de créer une hilarité générale.
‘’C’est Gouvernement qui paie mes traites et mon carburant ?’’, réponse des chauffeurs et ‘’balanceurs’’ à tout plaignant
Il en est de même à l’intérieur des ‘’gbakas’’ et ‘’wôrô-wôrôs’’. Les sièges à trois, qui ne devaient recevoir que deux passagers, continuent d’accueillir leurs trois habituels, au grand dam des usagers qui n’ont que leurs ‘’dieux’’ pour prier. Gare au passager qui aurait l’idée de dénoncer cet état de fait. ‘’Descends de ma voiture. C’est Gouvernement qui paie mes traites et mon carburant ?’’, c’est la réponse des chauffeurs et ‘’balanceurs’’ à tout plaignant. La Police et les autres Forces de défense et de sécurités, elles, sont occupées à veiller sur le couvre-feu, filmant les récalcitrants qu’ils humilient.
Laurent Nahounou
laurentmadoun@gmail.com