Par Simplice Ongui Directeur de Publication Afriqu’Essor Magazine osimgil@yahoo.o.uk

Londres, 20 juin 2025 – Alors que le PDCI-RDA et le PPA-CI viennent d’officialiser une alliance stratégique en vue de l’élection présidentielle de 2025, scellant ainsi un front commun au sein de la Coalition pour l’Alternance Pacifique (CAP-Côte d’Ivoire), la Coalition hausse résolument le ton. Dans une déclaration sans ambiguïté signée de sa porte-parole, Mme Simone Ehivet Gbagbo, la CAP récuse formellement la Commission Électorale Indépendante (CEI), qu’elle accuse de partialité manifeste, de verrouillage du processus électoral et de soumission aux injonctions du pouvoir en place. En refusant de transmettre les noms des coordinateurs de ses candidats, exigés pour la collecte des parrainages, la CAP-Côte d’Ivoire franchit un cap décisif : elle retire sa reconnaissance à l’organe électoral dans sa forme actuelle, et exige, à travers cet acte politique fort, une refondation démocratique du cadre électoral ivoirien.

Introduction

Alors que l’année électorale 2025 s’annonce cruciale pour l’avenir institutionnel et démocratique de la Côte d’Ivoire, la scène politique nationale est en pleine effervescence. Dans ce climat marqué par des tensions latentes et une défiance croissante envers les mécanismes de régulation électorale, la CAP-Côte d’Ivoire – plateforme regroupant plusieurs partis d’opposition, dont le PDCI-RDA et le PPA-CI récemment alliés – vient de franchir une étape décisive.

Par une déclaration officielle rendue publique ce 20 juin à Abidjan et signée par sa porte-parole, Mme Simone Ehivet Gbagbo, la Coalition refuse de se soumettre aux directives de la Commission Électorale Indépendante (CEI), notamment en ce qui concerne la désignation des coordinateurs des candidats et leur participation à la collecte des parrainages. Ce rejet frontal de la procédure électorale actuellement en cours ne se limite pas à une prise de distance administrative : il s’agit d’une dénonciation en règle du cadre électoral dans son ensemble, jugé partial, verrouillé et incompatible avec les exigences d’une compétition démocratique véritable.

Derrière cet acte politique fort, c’est tout un appel à la refondation du processus électoral et à l’ouverture d’un dialogue national qui se dessine. Car pour la CAP-Côte d’Ivoire, l’échéance présidentielle de 2025 ne doit pas devenir un simple rituel formel : elle doit être une opportunité de réconciliation, de transparence et de réancrage démocratique. À défaut, le pays court à nouveau le risque d’une instabilité dont il a déjà payé un lourd tribut.

Un rejet catégorique du cadre électoral actuel

Signée par Mme Simone Ehivet Gbagbo, porte-parole de la Coalition, la déclaration du 20 juin 2025 acte une rupture nette avec le processus enclenché par la Commission Électorale Indépendante (CEI). Elle exprime sans équivoque la ferme décision de la CAP-Côte d’Ivoire de ne pas transmettre les noms des coordinateurs et coordonnateurs adjoints des candidats à la candidature, comme l’exigeait la CEI dans son communiqué du 11 juin. Ce refus marque le rejet explicite d’un processus électoral jugé biaisé dès sa phase préparatoire. Le même communiqué mentionnait également la tenue, le 23 juin, d’une formation technique sur les modalités de collecte des parrainages, à laquelle la CAP-CI a également choisi de ne pas participer.

Mais au-delà de l’aspect procédural, c’est tout le cadre institutionnel de l’élection présidentielle de 2025 que la Coalition remet en cause. Pour la CAP, il ne s’agit pas d’un simple désaccord administratif ou d’une contestation ponctuelle. Le fond du différend est beaucoup plus profond : il concerne l’impartialité, la légitimité et l’indépendance de l’organe en charge de l’organisation des scrutins. Selon la déclaration, la CEI a cessé de jouer son rôle d’arbitre neutre et s’est progressivement transformée en « caisse de résonance du pouvoir RHDP », se contentant d’exécuter un calendrier électoral dicté unilatéralement par l’Exécutif.

Cette critique renvoie à une dénonciation constante, portée de longue date par l’opposition ivoirienne : la composition déséquilibrée de la CEI, sa soumission présumée à l’autorité présidentielle, l’opacité de ses procédures et l’absence de consultation autour des grandes étapes du processus électoral. Pour la CAP, la CEI dans sa forme actuelle est « délégitimée de fait », car elle ne garantit plus les conditions minimales d’un scrutin démocratique, libre et équitable.

En refusant de se soumettre à l’agenda imposé, la Coalition pose un acte politique fort : elle affirme son droit de retrait et appelle à une refonte en profondeur des mécanismes de régulation électorale. À travers cette prise de position, c’est toute la logique d’un consensus électoral que la CAP cherche à remettre au cœur du débat politique. Car selon ses membres, participer aujourd’hui aux procédures de la CEI reviendrait à cautionner un processus vicié dès l’origine.

Ce rejet catégorique s’inscrit également dans un contexte d’alliance renforcée au sein de l’opposition, notamment depuis la convergence entre le PDCI-RDA et le PPA-CI au sein de la CAP-Côte d’Ivoire. Cette nouvelle dynamique politique donne davantage de poids à la posture contestataire de la Coalition, tout en révélant la profondeur de la crise de confiance qui mine les institutions électorales ivoiriennes à l’approche d’un scrutin décisif.

Des revendications restées sans réponse

Depuis plusieurs mois, la Coalition pour l’Alternance Pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI) a multiplié les interpellations publiques, les communiqués et les propositions adressées à la Commission Électorale Indépendante (CEI), dans l’espoir de voir émerger un consensus national autour de la réforme du cadre électoral. Mais ces initiatives sont, selon ses membres, demeurées lettre morte. Ce silence institutionnel, interprété comme un refus de dialogue, alimente un climat de méfiance généralisée à l’égard de l’organe électoral et accroît la polarisation du débat politique à l’approche de l’échéance présidentielle de 2025.

Au cœur des revendications de la CAP se trouve la révision intégrale de la liste électorale, dont les nombreuses anomalies sont régulièrement dénoncées : inscriptions fictives, doublons, électeurs décédés, radiations arbitraires ou inégalités flagrantes dans la répartition des centres d’enrôlement. Pour la Coalition, il est impensable d’organiser un scrutin crédible sur la base d’un fichier aussi contesté, sans audit externe, ni mécanisme de transparence indépendant. À cela s’ajoute l’exigence d’une recomposition structurelle de la CEI, jugée déséquilibrée et inféodée au pouvoir exécutif, du fait de la prédominance des représentants du RHDP dans sa configuration actuelle.

Les propositions concrètes formulées par la CAP – telles que l’institution d’un cadre permanent de concertation politique sur les questions électorales, la désignation d’observateurs indépendants à toutes les étapes du processus, ou encore la transparence dans la centralisation des résultats – n’ont reçu aucune suite officielle. Pire, selon la Coalition, les démarches entreprises ont été accueillies par une stratégie de déni, voire d’ignorance, traduisant une volonté délibérée d’imposer unilatéralement le calendrier et les règles du jeu.

Ce mutisme de la CEI alimente l’idée, de plus en plus partagée dans les rangs de l’opposition, que l’élection présidentielle de 2025 risque de reproduire les schémas de crises post-électorales déjà connus dans le pays : un processus fermé, une compétition déséquilibrée, et un verdict rejeté faute de légitimité partagée.

En s’inscrivant dans une démarche proactive mais restée sans écho, la CAP estime avoir épuisé les voies institutionnelles. D’où sa décision de marquer une rupture symbolique et politique par le refus de répondre à la dernière injonction de la CEI concernant les listes de coordinateurs. Il ne s’agit plus seulement, pour la Coalition, de réclamer une réforme, mais de poser un diagnostic d’échec du cadre actuel, et de revendiquer une reconstruction politique par le dialogue national.

Un appel à un dialogue politique urgent

Face à l’impasse institutionnelle et à l’inertie affichée par la Commission Électorale Indépendante (CEI), la CAP-Côte d’Ivoire adresse un appel solennel au gouvernement pour l’ouverture immédiate d’un dialogue politique franc, inclusif et constructif. Il ne s’agit plus, à ce stade, de simples ajustements techniques ou de consultations de façade, mais de réexaminer en profondeur l’architecture démocratique du pays afin de restaurer la confiance des citoyens dans le processus électoral et dans les institutions républicaines.

La Coalition souligne que l’histoire politique récente de la Côte d’Ivoire – marquée par des crises électorales à répétition (2000, 2010, 2020) – devrait inciter tous les acteurs de la scène nationale à privilégier la prévention des conflits par le consensus. Ce dialogue souhaité par la CAP n’est donc pas un luxe, mais une impératif démocratique pour éviter de replonger le pays dans une spirale de contestations, de violences ou de ruptures institutionnelles.

Ce dialogue devrait, selon la CAP, porter sur plusieurs chantiers fondamentaux :
la réforme de la CEI, pour en garantir l’indépendance, l’équilibre et l’ouverture à toutes les sensibilités politiques ;
la révision consensuelle de la liste électorale, avec un audit indépendant et une supervision pluraliste ;
la clarification du mode de parrainage des candidats, perçu comme un filtre politique au service du pouvoir en place ;
la sécurisation du vote et de la centralisation des résultats, pour empêcher les manipulations et fraudes.

Mais au-delà des enjeux électoraux stricto sensu, la CAP-Côte d’Ivoire plaide pour un dialogue politique qui aborde également les questions institutionnelles et constitutionnelles de fond : le rôle du Conseil constitutionnel, la durée des mandats, la neutralité de l’administration, la liberté de la presse, l’indépendance de la justice, et la place des forces de défense et de sécurité dans le jeu démocratique. Autant de sujets qui, sans être abordés, continueront de fragiliser l’État de droit et de nourrir le doute quant à la sincérité des scrutins.

Dans sa déclaration du 20 juin, la CAP met en garde contre le mépris affiché par le pouvoir à l’égard des forces de l’opposition et des organisations de la société civile. Elle estime qu’en refusant le dialogue, le gouvernement prend le risque de préparer une élection à sens unique, dont l’issue serait massivement contestée, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. C’est pourquoi elle exhorte la communauté nationale – intellectuels, chefs traditionnels, responsables religieux – et internationale – Union africaine, CEDEAO, ONU – à user de leur influence pour encourager un retour à la table des discussions.

Cet appel au dialogue, loin d’être une capitulation, se présente comme un dernier levier de pacification dans un contexte où les tensions s’accumulent. La CAP-Côte d’Ivoire réaffirme qu’elle demeure disponible pour toute initiative de concertation sincère, dès lors qu’elle vise à reconstruire les conditions minimales d’une compétition électorale loyale et apaisée.

Un climat politique tendu à l’approche de 2025

La déclaration de la CAP-Côte d’Ivoire intervient dans un climat politique déjà marqué par une montée des tensions, des crispations institutionnelles et des recompositions partisanes inédites. À moins de six mois de l’élection présidentielle, l’atmosphère générale oscille entre méfiance politique, mobilisation partisane et inquiétude citoyenne. La défiance ouverte vis-à-vis de la CEI et le rejet du processus de parrainage en l’état viennent confirmer que le pays entre dans la phase décisive d’un cycle électoral à hauts risques.

La recomposition politique en cours — illustrée par le rapprochement stratégique entre le PDCI-RDA et le PPA-CI, deux poids lourds historiques de l’opposition — confère à la CAP-Côte d’Ivoire une nouvelle envergure. Cette alliance donne à sa voix une portée nationale significative, tout en renforçant la pression sur le pouvoir en place. Pour beaucoup d’observateurs, il s’agit d’un basculement dans le rapport de forces électoral, qui pourrait fortement peser sur l’issue du scrutin si les conditions minimales de transparence et d’équité sont réunies.

Mais c’est justement là que réside le paradoxe : alors que la Côte d’Ivoire pourrait être à l’aube d’un tournant démocratique majeur, les fondations de l’arène électorale semblent plus fragiles que jamais. L’absence de réformes attendues, le refus du dialogue inclusif et la perception d’un appareil électoral verrouillé par l’exécutif ravivent les souvenirs douloureux des crises passées – notamment celle de 2010, dont les conséquences humaines et politiques continuent de peser lourd dans la mémoire nationale.

Sur le terrain, les signaux d’alerte se multiplient : manifestations interdites, arrestations de militants, tensions intercommunautaires, méfiance croissante envers les institutions et sentiment d’exclusion d’une frange importante de la population du processus démocratique. À cela s’ajoute un contexte économique et social tendu, exacerbé par le coût de la vie, le chômage des jeunes et une perception généralisée d’inégalités persistantes.

Dans ce contexte chargé, l’appel de la CAP à une refondation du processus électoral, par le biais d’un dialogue urgent, n’est pas seulement une revendication politique : c’est une tentative de prévenir l’irréparable. L’histoire récente de la Côte d’Ivoire a montré combien une élection mal préparée peut se transformer en crise de régime.

L’enjeu, désormais, dépasse les ambitions partisanes : il s’agit de garantir la paix sociale, de renforcer la légitimité démocratique des institutions, et d’offrir au peuple ivoirien la possibilité d’exercer son droit souverain dans un climat de sérénité, de confiance et de justice.

Conclusion générale

La déclaration du 20 juin 2025 de la CAP-Côte d’Ivoire ne saurait être réduite à un geste d’opposition circonstancielle. Elle est, dans sa portée profonde, un acte d’alerte démocratique, un cri politique lancé dans un contexte où les institutions électorales apparaissent de plus en plus sous influence et où les principes d’équité, de transparence et de pluralisme sont mis à mal.

À travers cette prise de position ferme, la Coalition remet sur la table une question essentielle : peut-on encore parler de démocratie sans véritable choix, sans dialogue inclusif, sans organe arbitral crédible, sans fichier électoral fiable ? En refusant de cautionner ce qu’elle qualifie de simulacre électoral, la CAP-Côte d’Ivoire appelle à un sursaut républicain, à la reconstruction des fondements du contrat social, à l’instauration d’une culture électorale respectueuse de la souveraineté populaire.

Le sort de la présidentielle de 2025 ne dépendra pas seulement de la date du scrutin ou du nombre de candidats en lice. Il dépendra surtout de la qualité du cadre dans lequel elle se tiendra, de la confiance que les citoyens pourront accorder à ses résultats, et de la volonté des acteurs politiques à inscrire la compétition dans les limites du droit et de la dignité nationale.

L’histoire récente de la Côte d’Ivoire enseigne que les élections ne sont pas, en soi, une garantie de stabilité. Seul le respect des règles du jeu démocratique, partagé par tous, peut prévenir les crises et consolider la paix. La balle est désormais dans le camp du gouvernement et des institutions : choisir l’écoute plutôt que l’arrogance, le dialogue plutôt que le passage en force, l’intérêt national plutôt que les calculs partisans.

Dans une Côte d’Ivoire encore marquée par les séquelles de ses crises passées, ignorer ces signaux reviendrait à compromettre la paix civile durement acquise. L’enjeu de la présidentielle de 2025 ne réside pas uniquement dans les noms qui figureront sur les bulletins de vote, mais dans la capacité du pays à faire de cette échéance un moment de vérité démocratique. Le dialogue, aujourd’hui, est une nécessité politique. Demain, il pourrait devenir une urgence nationale.

Par Simplice Ongui
Directeur de Publication
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