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Effet d’annonce, avertissement ou juste une opération de Communication ? Près d’un mois après la descente de la Brigade mondaine au »Dream Bar » à Cocody et les menaces toujours pendantes d’Anne Ouloto (ministre de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant), nous avons pris le pool des bars à string dans le district d’Abidjan. Etat des lieux.

L’ambiance, les shows d’effeuillage et les ‘’prestations privées’’ des hôtesses-serveuses – ou stripteaseuses –, n’ont pris aucune ride. Le constat s’est imposé à nous, le samedi 26 avril 2014, à Marcory, Treichville, Yopougon…et Cocody. Dans les bars à striptease – appelés aussi ‘’bars à string’’ – visités, ce qu’il est convenu d’appeler ‘’l’opération Dream Bar’’ a, pour l’heure en tout cas, fait pschitt !

Certes, on se le rappel : avec l’aide de la Brigade mondaine dirigée par le commissaire Yvonne Oulaï, la ministre Anne-Désirée Ouloto, a fait arrêter dans la nuit du jeudi 3 au vendredi 4 avril 2014, 15 strip-teaseuses, le disc-jockey et le gérant du Dream Bar spécialisé dans les shows strip-tease à Cocody. Le bar fermé, le Dj et le gérant ont été déférés devant le parquet, tandis que le patron, informé, a, depuis, disparu des radars. Quant aux 15 hôtesses-serveuses arrêtées, elles ont été reçues, le mardi 8 avril 2014, au 16è étage de la tour E au Plateau, par la ministre qui s’est entrenue avec elles et a, par la même occasion, réitéré sa détermination à lancer une »intifada » contre ces « espaces qui dégradent l’image de la femme », selon ses propres termes. N’empêche ! Ce samedi soir, à Angré-Star 9 (Cocody), dans un de ces bars sur une rue très fréquentée où nous sommes, à 20h à peine, les serveuses ne chôment pas. Leur show d’effeuillage porté par des poses plastiques rythmées par une musique électro, autour de la barre de fer au milieu du ‘’salon’’, tient de la gymnastique olympique. « Ici, c’est un club privé. Tous ceux qui y viennent sont des adultes vaccinés, tout comme les filles que nous employons. Ça existe dans tous les grands pays du monde. Donc, personnellement, je ne vois pas où est le problème dont parle la ministre», explique Ferdy. K, le manager de la boîte.

A l’en croire, le strip-tease est l’une des armes que les patrons de bar se sont vus obligés de dégainer pour attirer, séduire et fidéliser les clients. « Avec l’avènement des maquis géants dans le courant de 2003, le secteur avait commencé à marquer le pas. On risquait de fermer, si on ne trouvait pas quelque chose de différent à proposer », soutient Philipe. B, patron d’un bar à string sis à Yopougon-Sideci. Avec l’avènement du strip-tease, nous informent des opérateurs du secteur, les logiques ludiques, les calculs des clients et les stratégies marketing des bars s’en sont trouvés bouleversés… et boostés. A Koumassi Remblais, manager d’un bar affichant gaillardement son menu ‘’striptease’’, Mike. G raconte : « Aujourd’hui, c’est à l’idée que tout en buvant une bière, ils peuvent aussi se rincer les yeux sur les serveuses qui font le show strip-tease, ou même se payer des prestations privées, mais par consentement, j’insiste là-dessus, avec une serveuse de leur choix qui attirent les gens en masse dans les bars à string».

Calme et sérénité…malgré tout

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Mais, à en croire Tania, une strip-teaseuse à Treichville, le client de bar à string n’y va pas forcément pour tripoter ou payer une passe avec une serveuse. « Il y en a qui viennent juste pour passer du bon temps, déstresser », souligne-t-elle. « Conscients de la délicatesse de [leur] job, vu qu’il y a du sexe en jeu », les tenanciers et les serveuses interrogés disent mettre tout en œuvre pour « rester dans les normes », tout en continuant d’attirer les chasseurs d’émotion forte.

D’ailleurs, de Marcory à Cocody, en passant par Yopougon et Treichville, gérants et serveuses sont unanimes : ils n’ont d’yeux et d’oreilles que pour la satisfaction des clients qui continuent d’affluer. D’ailleurs, patrons, gérants et serveuses soutiennent n’avoir jamais paniqué en apprenant ‘’l’opération Dream Bar’’. Plus surprenant, beaucoup sont convaincus que cette descente policière au Dream Bar serait le fruit d’une dénonciation ou d’une plainte. Faut-il en conclure alors que la menace d’Anne Ouloto n’est rien d’autre qu’un effet d’annonce ? Pour nos interlocuteurs, il ne faut pas voir les choses ainsi. En fait, selon Didier. O, patron d’un bar dont le fronton est décoré  par une pancarte annonçant le programme complet des shows strip-tease à Yopougon-Koweït, l’heure est à la mobilisation. ‘’L’opération Dream Bar’’ serait en passe de féconder des idées de mutualisation dans le secteur : « Nous sommes en train de réfléchir, nous, opérateurs du secteur des clubs privés. Il nous faut une association du genre syndicat qui regrouperait les patrons, managers, gérants et serveuses de ces clubs privés, qui y gagnent leur vie sans avoir à mendier. On va se faire entendre bientôt et défendre nos droits. Car, on ne viole aucune loi du pays. On ne travaille pas en plein air, on n’emploie pas de mineure, on n’autorise pas de mineurs dans nos bars, aucune fille n’est forcée de faire ce qu’un client lui demande. Et puis, un bar emploie en moyenne 10 filles payées entre 2000 Francs et 15000 Francs chaque soir, voire même plus. Donc, imaginez la catastrophe si on devait fermer ne serait-ce que les centaines de bars qui sont dans la seule commune de Yopougon… » Cette ‘’inspiration’’, nous informe Didier.O, serait venue d’un groupe de stripteaseuses et lui se charge de la formaliser.

Pour « défendre ce qui nous permet de tenir pour l’instant faute de mieux », justifient deux des serveuses du bar de Didier. O. Autres préoccupations actuelles de ces opérateurs, malgré la menace toujours pendante de la ministre : la fidélisation des clients. « Les bars à string poussent comme des champignons actuellement et les clients sont de plus en plus volatiles », note Abass, gérant de bar à Cocody Vallon. « La plupart passe d’un bar à l’autre » soutient-il. Pour les retenir, on continue de chercher de nouvelles ‘’idées-cadeaux’’. Ici, c’est la commande d’une simple canette de bière qui donne droit à… quelques attouchements intimes de la serveuse. Là, c’est la consommation d’une demi-bouteille de liqueur qui donne droit à une ‘’gâterie’’ buccale. Ailleurs, c’est l’achat d’une bouteille entière qui donne droit à une ‘’prestation privée’’… dans une cabine réservée à cet effet. Mais, à en croire les gérants, le plus sûr moyen d’augmenter le chiffre d’affaires, c’est d’accroître le nombre des stripteaseuses en les faisant ‘’tourner’’. Or, face à une ministre menaçant de mettre fin à la pratique du striptease dans les bars, les opérateurs, bien que se disant sereins, vivent, depuis, sous un régime dérogatoire. « Interdire les ‘’prestations à nue’’, tuera les bars, c’est sûr ! Mêmes les recettes de certaines collectivités seront impactées. Car, on oublie aussi que ces bars paient des taxes, tant au Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida) qu’aux mairies. Des communes comme Yopougon ou Marcory, toucheraient même de gros chèques avec ces bars, même si certains maires ont le bar à string honteux », s’amuse à dire Quentin, un tenancier de bar à Marcory-Centre commercial, qui estime que l’Etat devrait chercher à « organiser le secteur », plutôt que d’engager une opération qui risquerait de virer en un guet-apens en jetant les milliers de filles qui y travaillent, à la rue. Comme quoi, le débat semble bien loin d’être clos sur la question.

Dans notre cas, nous essayons de vous donner suite à cette histoire qui à coup sure fera couler beaucoup d’encre et de salive.

SOURCE: SOIR INFO