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Serge Koffi , ex-secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI)

(Dernière Heure Info) – L’ancien Secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire(Fecsci), Serges Koffi, dit Sroukou Trèmè Trèmè (Stt), vit en exil depuis la chute de Laurent Gbagbo. Dans cet entretien qu’il nous a accordé depuis le Canada où il se trouve, Stt parle de son exil, de l’arrestation de Blé Goudé et de la posture du Fpi. Entretien.

Que devient Serges Koffi, alias Sroukou Trèmè Trèmè ?

Serge Koffi va bien, Sroukou Trèmè Trèmè encore plus.

On vous avait annoncé au Ghana, puis au Sénégal et maintenant au Canada. Où êtes-vous exactement ?

Vous vous attendez peut-être à ce que je fasse un mystère sur le lieu où je vis en ce moment. C’est vrai que j’ai été aperçu au Ghana ; c’est vrai que j’ai été un temps au Sénégal ; c’est vrai que je suis en ce moment au Canada ; et c’est vrai que je serai en Côte d’Ivoire un jour.

Ah bon ? Vous venez bientôt en Côte d’Ivoire ? Quand ?

Je n’ai pas dit que je serai en Côte d’ivoire bientôt. Ne me poussez pas à donner des réponses qui vont procurer de faux espoirs aux Ivoiriens. Notre retour en Côte d’Ivoire est espéré par les Ivoiriens comme signe de la normalisation de la vie politique mais surtout de la vie sociale. Sachez que depuis que je suis en exil, ce sont mes amis militants du Rdr et du Pdci qui m’ont le plus souvent appelé pour me soutenir. Ils ne sont pas devenus partisans de Laurent Gbagbo, mais ils me disent toujours que ça leur manque le temps où on parlait de la vie de notre pays, chacun avec ses opinions, sans avoir peur au ventre. On se chambrait, on parlait de la politique en rigolant et après chacun rentrait chez lui tranquillement. Aujourd’hui, ça n’existe pas. Donc, je ne sais pas quand je vais rentrer en Côte d’Ivoire.

On vous a peu entendu depuis que vous êtes parti en exil. Pourquoi ?

J’ai déjà dit à l’un de vos confrères que l’exil présente des urgences qui n’attendent pas. L’expérience de l’exil m’a montré que dans ces moments, l’enjeu, ce n’est pas de parler, mais d’exister. Souvent, il faut savoir se taire quand parler ne règle rien. Il faut dire aussi que nous avons laissé en Côte d’Ivoire nos amis et nos parents qui continuent de subir des persécutions juste parce qu’ils portent la marque de Serge Koffi. Vous comprenez donc que quand la vie des gens tient à votre parole, vous ne parlez pas comme si ceux-ci vivaient dans un pays normal.

L’Union des Nouvelles Générations (UNG), le parti dont vous étiez le porte-parole, n’existe presque plus sur l’échiquier politique, sinon théoriquement. Que comptez-vous faire pour vous faire entendre ?

Vous avez l’impression que l’UNG n’existe plus pour la simple raison que l’opposition n’existe pas en Côte d’Ivoire. Le pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara ne veut entendre parler que les partis qui disent la même chose que lui ou qui sont d’accord avec ces agissements. Quelle autre voie d’action en dehors des meetings et des réunions, un parti politique a pour s’exprimer ? Comment voulez-vous que l’UNG existe alors que les droits de l’Homme et les libertés publiques sont confisqués en Côte d’Ivoire ? Sachez que la direction de l’UNG n’a pas choisi d’ignorer les réalités du terrain pour envoyer ses militants à l’abattoir. Car tout combat politique qui se respecte tient compte du contexte dans lequel il se mène.

Quel rapport avez-vous aujourd’hui avec les responsables de l’UNG, notamment son président Stéphane Kipré ?

Je garde de très bons rapports avec les responsables de l’UNG et surtout avec le Président Stéphane. Il est en exil comme moi, mais nous ne vivons pas ensemble. Malgré tout, nous ne manquons jamais l’occasion de nous parler toutes les fois que cela est nécessaire pour la situation du pays et pour notre parti.

Il nous est revenu que c’est vous qui, parce qu’ami au président sénégalais Macky Sall, aviez facilité sa rencontre avec des dirigeants du Front populaire ivoirien(Fpi) l’année dernière. Qu’en est-il exactement ?

Vous n’êtes pas bien informés. Sachez que le FPI a été reçu chez le Président Macky Sall. Je crois que c’est cela qui est à retenir et non qui a suscité la rencontre. Retenez que si le Président Macky Sall s’emploie à faciliter le dialogue entre le pouvoir Ouattara et l’opposition, c’est parce qu’il connaît bien la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens. Pour ce que je sais du Président Macky Sall, j’ai suivi le parcours politique de l’homme dans l’opposition tout comme celui d’autres opposants politiques africains. Il est l’exemple de jeunes leaders politiques qui accèdent démocratiquement au pouvoir par la force de leurs convictions et non par le privilège d’être la progéniture du Président mourant qui lègue en héritage le pouvoir a son fils bien aimé comme on a eu coutume de le voir sous nos tropiques. Je voudrais simplement vous avouer que c’est un vrai exemple pour la jeunesse africaine.

Comment jugez-vous la posture du FPI qui refuse de prendre part à toutes les consultations électorales ?

Quand le FPI et l’Ung refusent de participer aux élections régionales et municipales, c’est la conséquence du jeu politique déséquilibré et terrorisé par le pouvoir. Souvenez-vous que le pouvoir d’Alassane Ouattara a interdit le meeting de la jeunesse du Fpi à la place CP1 de Yopougon pour éviter, selon le ministre de l’Intérieur, des débordements pouvant entraîner mort d’hommes. Si un meeting du FPI à Yopougon peut entraîner mort d’hommes, parce que des victimes de la crise postélectorale ne veulent pas voir le FPI se pavaner, à quoi doit-on alors s’attendre lorsque le FPI participera aux campagnes électorales sur toute l’étendue du territoire ? Le Rdr et ses alliés du Pdci et de la rébellion n’ont pas envie d’ouvrir le jeu politique en Côte d’Ivoire. Il faut donc les laisser seuls dans leurs retrouvailles entre copains.

Le 17 janvier 2013, Charles Blé Goudé a été arrêté au Ghana à la surprise générale puis extradé à Abidjan. D’aucuns avaient parlé de deal ; qu’est-ce que vous en savez ?

Je n’ai pas pour habitude de parler des sujets que je ne maîtrise pas. Blé Goudé a été arrêté au Ghana, moi je suis au Canada, vous comprenez donc que je ne peux rien comprendre dans cette histoire. Mais, je ne crois pas que Blé Goudé puisse faire confiance au pouvoir d’Alassane Ouattara au point de se mettre avec eux dans un scénario où il joue le rôle du prisonnier. Ce que je sais, c’est que Blé Goudé parlera un jour, on l’écoutera et chacun sera situé sur cette affaire.

Pensez-vous que Laurent Gbagbo peut se défaire de l’engrenage de la Cour Pénale Internationale(CPI)?

L’audience de confirmation des charges tenue du 19 au 28 février 2013 dans la drôle affaire «le procureur de la CPI contre Laurent Gbagbo », nous a permis de comprendre que contrairement à l’image souillante de criminel de guerre qu’on tente de lui coller, le Président Laurent Gbagbo n’est en réalité qu’un prisonnier politique, sinon un otage entre les mains de la justice mondiale. Je crois pour ma part, que s’il existe encore un seul juge lucide à la CPI soucieux de respecter cette institution, alors le droit sera dit et le Président élu des Ivoiriens Gbagbo Laurent recouvrira la liberté.

Un regard sur la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) que vous avez dirigée en son temps?

Permettez- moi tout d’abord d’apporter ma compassion aux victimes de l’agression à la machette des militants de Fesci le vendredi 12 avril 2013 par deux groupes d’étudiants appartenant dit-on à l’Ageeci et Renaissance, deux syndicats dit estudiantins et proches du Rdr. Aussi voudrais-je rappeler aux détracteurs de la Fesci que ce syndicat est né et a grandi dans l’adversité et la clandestinité. Par conséquent, toutes les conditions dans lesquelles ils mettront ces jeunes défenseurs des droits des élèves et étudiants de la Côte d’Ivoire, leur seront propices pour mener et gagner le combat pour l’avènement d’une école moderne dans notre pays. Enfin, j’invite le camarade Mian Augustin, s’il est encore le Sg de la Fesci, à organiser sans délais un Congrès, afin de passer le relais à une nouvelle équipe capable d’insuffler une nouvelle dynamique à cette structure si chère aux élèves et étudiants de la Côte d’Ivoire.

Serges Koffi, à quand votre retour au pays ?

Je vois que je vous manque. Sachez que vous aussi vous me manquez. Je voudrais profiter de cet entretien que ‘’Dernière Heure Infos’’ a voulu m’accorder pour lancer un appel au chef de l’Etat : « Monsieur Alassane Ouattara, ceux qui vous encouragent à régler les comptes de vos opposants dans le sang seront les mêmes qui vous reprocheront un jour de n’avoir pas été flexible envers les Ivoiriens. Je vous donne modestement ce conseil parce que moi, j’ai été un élu à une élection nationale et j’ai dirigé une structure d’envergure nationale. Portez-vous bien. ».

Réalisée par Jean Séplou S.