Alors que la République Démocratique du Congo (RDC) traverse une des périodes les plus sombres de son histoire récente, la crise sécuritaire à l’Est du pays atteint des proportions alarmantes. Entre l’avancée des groupes armés du M23 et l’AFC, la perte de contrôle sur des territoires stratégiques et le sentiment d’abandon des populations locales, le gouvernement peine à apporter des réponses concrètes. Parallèlement, la situation économique du pays demeure préoccupante, marquée par des politiques budgétaires controversées et une gestion opaque des ressources nationales. Face à ce tableau incertain, la contestation s’exprime sous diverses formes, et la littérature engagée refait surface comme un puissant moyen d’interpellation. Le poème “Fatshi ne changera jamais” de Pâris Baletula Diambanza incarne cette voix critique. Véritable réquisitoire contre le président Félix Tshisekedi, il traduit la frustration et l’indignation d’une population en quête de stabilité et de solutions concrètes.

Une charge virulente contre le président Félix Tshisekedi

Dès les premiers vers, le ton est donné : l’incohérence des discours présidentiels, les promesses non tenues et la gestion opaque du pays sont au cœur du propos. L’auteur dresse le portrait d’un chef d’État qui “dit une chose, fait son contraire”, un président dont les engagements disparaissent aussi vite qu’ils sont prononcés.

Parmi les critiques les plus marquantes, la gestion budgétaire, illustrée par la nomination controversée de 124 membres au sein du cabinet présidentiel. Une décision que Baletula perçoit comme un symbole de clientélisme, de favoritisme et en décalage avec les besoins réels du pays. L’accusation est directe et sans appel : le pouvoir est géré de manière opaque, au détriment des citoyens.

Mais c’est surtout sur la question de l’insécurité à l’Est de la RDC que le poème prend toute sa force. L’auteur fustige l’abandon des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) et des Wazalendo (groupes d’autodéfense locaux), laissés sans rations ni commandement face à l’ennemi. Il dénonce aussi le manque d’engagement du chef de l’État, illustré par son voyage au Qatar pour un match du PSG pendant que Goma est encerclée par les combattants du M23 et de l’AFC.

Un style percutant et incisif

Ce qui frappe dans ce poème, c’est son style brut et sans concessions. Les phrases courtes, rythmées et parfois nominales, donnent un effet de martèlement, soulignant la colère et l’urgence de la situation. L’auteur joue avec les mots pour renforcer son propos :

  • État de siège” devient“État de piège” pour illustrer l’inefficacité des mesures de sécurité prises par le gouvernement.
  • Commandant suprême” est transformé en “Premier déserteur pour dénoncer l’absence de leadership militaire du président Tshisekedi.
  • La répétition de “Foutaise sur foutaises”, “Bourde sur bourdes” accentue la lassitude face aux dérives du pouvoir.

Par ailleurs, l’ironie mordante de Pâris Baletula Diambanza renforce encore la charge critique. Il attribue au président Félix Tshisekedi un « Prix Nobel des promesses », une manière cinglante de souligner l’écart abyssal entre les discours et la réalité.

Paris Baletula Diambanza : un poète et un militant engagé

Au-delà de sa plume acerbe, Paris Baletula est également un acteur du débat politique et citoyen. Il est l’initiateur d’une conférence-débat sur la RDC, portant sur le thème crucial : « Comment stopper le processus de balkanisation du Congo ? ». Cette initiative traduit son engagement pour la souveraineté du pays et sa volonté de mobiliser la société civile autour des enjeux d’un Congo unifié et fort.

Le poème de Paris Baletula ne se limite pas à une simple critique du pouvoir en place : il s’inscrit dans une longue tradition de poésie politique africaine, à l’image des œuvres de Tchicaya U Tam’si, Aimé Césaire ou David Diop, où la plume devient une arme de contestation. Cette forme d’expression est particulièrement forte en RDC, où les poètes et artistes se font souvent les porte-voix du peuple face aux abus du pouvoir.

En RDC, la littérature a toujours joué un rôle majeur dans la dénonciation des injustices. Aujourd’hui, alors que le pays fait face à des défis cruciaux, la poésie engagée retrouve toute sa pertinence. “Fatshi ne changera jamais” de Pâris Baletula Diambanza résonne comme un cri d’alarme, une exhortation à la vigilance et à la responsabilisation des dirigeants.

Si ce poème se distingue par sa force expressive et sa pertinence, il reste néanmoins un texte purement et exclusivement accusateur, qui ne propose pas de solutions ou de solutions concrètes. En s’attardant uniquement sur les échecs du président, il pourrait être perçu comme partial, voire populiste. Certains pourraient également lui reprocher de ne pas nuancer ses critiques, en occultant d’éventuelles avancées réalisées par le gouvernement ou de n’offrir aucune alternative à la gestion actuelle du pays.

Néanmoins, son impact est indéniable. Dans une période de fortes tensions politiques, où la population cherche des repères, ce type de littérature engagée joue un rôle clé : dénoncer sans détour, secouer les consciences, maintenir la pression sur les gouvernants et sensibiliser l’opinion publique.

Conclusion : Quand la poésie devient une arme citoyenne

Le poème “Fatshi ne changera jamais” de Pâris Baletula Diambanza est un texte coup de poing, qui exprime avec force la frustration d’une partie du peuple congolais face à la gestion du président Tshisekedi. Entre colère, ironie et dérision, il dresse un tableau sombre de la situation politique actuelle en RDC.

Cette œuvre poétique rappelle que la littérature n’est pas qu’un simple divertissement : elle est un outil de contestation et de résistance. En RDC, où l’espace démocratique reste fragile et où la parole citoyenne peine parfois à se faire entendre, la poésie se fait l’écho des désillusions, des attentes et des frustrations des populations. Plus qu’un simple cri d’alarme, elle incarne l’exigence d’un changement profond.

Simplice ONGUI
osimgil@yahoo.co.uk