Le verdict aujourd’hui

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La sentence sera prononcée, sauf cataclysme, aujourd’hui, mais les réquisitions sont tombées. Hier, lundi 3 août, soit deux mois après l’ouverture du procès des neuf officiers, Ange Kessi, le procureur militaire, a requis une peine de 15 ans de prison ferme à l’encontre du Cdt Jean-Noël Abehi et la prison à perpétuité pour le capitaine Anselme Séka Yapo dit Séka Séka, pour des faits liés à la crise post- électorale de décembre 2010 à avril 2011. Pour le Parquet militaire, les faits de ”violation des consignes” sont établis pour les officiers, qui n’ont pas répondu à l’appel de ”ralliement” lancé par le “nouveau président élu, le président Alassane Ouattara”, a dit le procureur militaire, Ange Kessi. Pour ces faits, il a requis contre chacun des six gendarmes “36 mois de privation de liberté”.

C’est peu après 11 h que le procureur militaire prend la parole. Vêtu d’une toge noire, micro en main, le commissaire du gouvernement a, pendant plus d’une heure, donné les raisons des peines requises. Dans un silence de cathédrale, Ange Kessi a été sans pitié pour les prévenus. Il a «fait le show», pourrait-on dire. Il a qualifié le Cdt Jean- Noël Abehi de «menteur», de «mythomane» parce que «tout ce qu’il a raconté devant le juge est faux». «Il a mené le tribunal en bateau. Il a menti sur toute la ligne. Il n’avait rien à dire sur les raisons de sa désertion. Il n’avait pas d’autorisation pour aller au Ghana», a déclaré le procureur militaire. Malgré quelques grincements de dents des avocats de la Défense, Ange Kessi poursuit son accusation. Il indique que le prévenu est allé au Ghana afin de préparer un coup d’État. «Le film existe. Il a participé à une réunion de la plateforme. Ce n’est pas de façon volontaire qu’il est rentré en Côte d’Ivoire», insiste-t-il. Selon Ange Kessi, le ”dur” Jean-Noël Abehi a déserté pour ”préparer un coup d’État au Ghana” et non parce qu’il avait ”peur d’être tué comme il l’a laissé croire pendant l’instruction”. Dans la foulée, le procureur a présenté le commandant Abéhi comme “un caïd, la terreur des civils pendant la crise postélectorale, qui voue une haine pour (le) régime” du président Alassane Ouattara. «Un officier pareil a sa place en prison et pas dehors», souligne-t-il. C’est pourquoi il a requis ”15 ans de prison ferme” pour ce ”gendarme extrêmement dangereux” qu’il faut ”neutraliser en le gardant en prison le plus longtemps possible”, car, a souligné Ange Kessi, ”le pays veut aller aux élections dans la paix”. «Vous avez la paix et l’ordre entre vos mains. Si vous le laissez, ce sera la catastrophe. Il faut le condamner à la peine requise de 15 ans», a-t-il ajouté entre deux gorgées d’eau, sous le regard du public ayant effectué nombreux le déplacement.

Surnommé “Séka Séka”, le commandant Anselme Séka Yapo, ancien chef de la sécurité rapprochée de l’ex-Première dame Simone Gbagbo, est poursuivi pour le “meurtre” du chauffeur de l’ancien ministre chargé des Droits de l’Homme et actuel porte-parole du Rdr, Joël N’guessan. Le commandant est “un monstre qui a trop tué. C’est un tueur, un trafiquant et non un officier. Il est temps qu’il paie pour ses crimes”, confie Ange Kessi lors de son réquisitoire. «Il avait un compte en Lettonie qui a permis de financer tous les jeunes de la galaxie patriotique de Blé Goudé. Le recrutement et l’entretien des miliciens sont établis à l’encontre de ce monsieur», ajoute-t-il. Selon le commissaire du gouvernement, Séka Séka est «mauvais», il a toujours commis des «crimes parfaits» mais cette fois-ci, ce n’est «pas parfait». «Je requiers la prison à perpétuité contre ce tueur sanguinaire, car tant que ce monsieur sera en liberté, la Côte d’Ivoire ne sera pas en paix”, souligne le colonel Kessi. «La Côte d’Ivoire ne sera pas en paix si ce monsieur est en liberté. La Côte d’Ivoire est en train de se relever. S’il est en liberté, c’est la mort. Il est temps grand temps, qu’après dix ans de crime, il paye», poursuit-il. «La Côte d’Ivoire a trop souffert par la faute de ce monsieur. Alors, M. le juge, dites la loi. Ne laissez pas partir Abehi et Séka Séka», conclut-il.

LA DÉFENSE DEMANDE LA RELAXE DES PRÉVENUS

tous les prévenus plaident non coupable. Me Bolou du barreau militaire a demandé la relaxe pure et simple des six officiers. L’avocat estime que les prévenus n’ont pas violé de consigne. Selon lui, ils ont travaillé, ils ont continué de travailler comme les policiers et les militaires. C’est grâce à eux que le calme est revenu dans le District d’Abidjan, supplie-t-il. Alors qu’il plaise au tribunal de les relaxer simplement, ajoute-t-il. Parlant du cas Abehi, Me Bolou précise que la vie du Commandant était effectivement menacée par les patrouilles. «Lorsque sa femme et ses enfants entendent des menaces, cela n’est pas du jeu. Il n’est pas méchant, ce n’est pas un menteur comme veut le faire croire le procureur militaire. A un moment donné, il se trouvait dans un état de nécessité. Donc, il n’y a pas d’infraction. Le tribunal ne peut pas le poursuivre. Alors, qu’il plaise au tribunal de le relaxer», argumente l’avocat. Pour apporter la manifestation de la vérité dans le meurtre du chauffeur de l’ancien ministre chargé des Droits de l’Homme, Joël N’guessan, Me Bolou, estime que des doutes existent. Pour lui, on ne peut retenir cette infraction car elle n’est basée sur aucun fondement, les expertises n’ont pu démontrer la mort par balle du chauffeur, ajoute-t-il. Au contraire fait savoir Me Bolou, Séka Séka a sauvé la vie du ministre Joël N’guessan. «Si Séka Séka était un tueur, il allait tuer le ministre. C’est une bonne personne. Il a protégé le ministre. Il l’a même accompagné à sa résidence», a-t-il défendu. Avec tous ces arguments, Me Bolou a également demandé la relaxe de son client. Les avocats Gohi Bi et Mathurin Dirabou ont également apporté leur preuve dé- montrant que leurs clients ne sont coupables de rien. Le verdict est attendu, aujourd’hui.

Cyrille DJEDJED

Source : L’Inter N°5142 du Mardi 04 Août 2015