Le Maroc et nous
(FratMat, 18 mars 2013) – Il y a quelques années, un de mes amis qui revenait du Maroc me dit ceci : « Si le Maroc fait partie des pays sous-développés, c’est que le développement et le sous-développement sont comme un immeuble avec des sous-sols à plusieurs niveaux. Les sous-développés sont au sous-sol, mais pas au même niveau. Le Maroc se trouve aux étages supérieurs du sous-sol, tandis que nous sommes aux étages les plus profonds. »
Pour ma part, je ne connais du Maroc que l’aéroport de Casablanca, la route qui conduit à Marrakech et l’hôtel où j’ai séjourné lors de la réunion des « amis de la Syrie » à laquelle j’avais été convié, en décembre dernier. Je n’eus pas l’occasion, au cours de mon séjour de deux jours, de visiter la ville de Marrakech, mythique à mes yeux depuis qu’elle fut chantée par Crosby, Stills, and Nash, et célébrée par tant d’écrivains et de cinéastes. On dit, ici, que la route précède le développement. Et la route reliant Casablanca à Marrakech que j’ai vue est pareille à celle que nous voyons dans les pays développés. Et cela suffisait pour me donner une idée de ce que pouvait être le reste du pays. Lors de mon séjour à Marrakech, j’ai suivi un reportage sur une chaîne de télévision française qui présentait le Maroc comme « la banlieue industrielle de la France » parce que de nombreuses entreprises françaises s’y délocalisent de plus en plus, pour profiter du bas coût de la main d’œuvre, de sa technicité et aussi de la douceur de vivre du royaume chérifien. Lors des « Grands Rendez-vous » de Fraternité Matin organisé, il y a deux mois, sur la coopération entre les pays au nord et ceux au sud du Sahara, l’ancien ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire nous expliqua que depuis toujours, son pays avait fait l’option de mettre un accent particulier sur trois secteurs clés que sont le tourisme, l’artisanat et la formation. Et il a réussi dans ces trois domaines. Chaque année, ce sont des millions de touristes venus du monde entier qui envahissent le Maroc, y laissant de substantielles devises et emportant chez eux des éléments de l’artisanat marocain que ce pays a élevé au niveau de l’art. Pour ce qui est de la formation, nombreux sont les Ivoiriens qui ont bénéficié de bourses d’études offertes par le royaume chérifien ou qui envoient leurs enfants y étudier à leurs frais, tant ils sont convaincus que le niveau des études au Maroc n’a rien à voir avec le nôtre. La Côte d’Ivoire a des atouts pour attirer de nombreux touristes. Il lui manque, peut-être, la volonté et la technicité. Notre pays dispose aussi d’un artisanat très riche qui pourrait constituer une niche de main-d’œuvre pour nos jeunes et source de devises. Ce qui nous manque, c’est certainement l’art d’exploiter cet artisanat. Nous avons un besoin criant de formation de nos jeunes, surtout après cette décennie gâchée au cours de laquelle l’enseignement fut méthodiquement saboté.
Nous avons beaucoup à apprendre du Maroc, ne serait-ce que dans les trois domaines dans lesquels il a développé une expertise incontestable et que j’ai cités, à savoir le tourisme, l’artisanat et la formation. Il y en a beaucoup d’autres où le Maroc excelle, et la visite que son roi effectue dans notre pays, à partir de demain, va être l’occasion d’en faire la revue. Depuis quelques années, de nombreuses entreprises marocaines se sont installées chez nous. Il s’agit d’intensifier le mouvement. Il s’agit aussi, pour les Ivoiriens, d’aller, à leur tour, à l’assaut du Maroc, pour lui proposer ce que nous faisons de mieux ici. Ce pays, nous disait toujours son ancien ambassadeur chez nous, est un arbre dont les racines sont en Afrique et les branches en Europe. Je pourrais ajouter que, par l’histoire et la composition de sa population, le Maroc est certainement le plus parfait trait d’union entre l’Afrique dite noire et celle dite blanche, entre l’Afrique et l’Europe. Nous avons beaucoup à nous apporter mutuellement. C’est ce que Houphouët-Boigny et Hassan II avaient compris. Ils furent les meilleurs alliés toute leur vie. C’est ce qu’ont compris Mohammed VI et Alassane Ouattara, fils tous les deux, l’un biologique, l’autre idéologique et spirituel, d’Hassan II et d’Houphouët-Boigny.
Venance Konan