Les Magistrats de Côte d’Ivoire, réunis au sein des deux syndicats, l’Union Nationale des Magistrats de Côte d’Ivoire (UNAMACI) et l’Association Syndicale de la Magistrature (ASM), constatent une dégradation progressive de leurs conditions morales et psychologiques de travail en raison de violations récurrentes des textes régissant leur corporation, de menaces, d’intimidations et d’immixtions dans l’exercice de leurs fonctions. Ces faits amènent les Magistrats de Côte d’Ivoire à faire la présente déclaration.

Les Magistrats de Côte d’Ivoire tiennent à rappeler que: – toutes les Constitutions de la Côte d’Ivoire indépendante ont consacré l’Etat de droit et le principe de la séparation des pouvoirs. Ainsi, celle du 8 novembre 2016 dispose en son article 139 : “Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et législatif. Le Président de la République est le garant de l’indépendance du Pouvoir Judiciaire. Il est assisté par le Conseil supérieur de la Magistrature” ; -le principe de la séparation des pouvoirs, principe fondamental de toute démocratie, fait interdiction à chacun des trois pouvoirs – Exécutif, Législatif, Judiciaire – de s’immixer dans le domaine de compétence d’un autre; -l’Etat de droit suppose l’égalité de tous devant la Loi, et des Juridictions Indépendantes.

C’est pourquoi, la Constitution Ivoirienne, en son article 140 in fine, dispose: ” … Le juge n’obéit qu’à l’autorité de la Loi” ;- le principe de l’égalité de tous devant la Loi signifie qu’aucun citoyen, quel qu’il soit, ne doit être ou ne doit se sentir au-dessus de la Loi; – la Justice, clef de voûte de l’édifice social, constitue le dernier rempart contre l’arbitraire et les abus de tous genres dans un Etat de droit. – l’indépendance du Pouvoir Judiciaire, proclamée par l’article 139 de la Constitution Ivoirienne, est une garantie, autant pour les Magistrats, contre les pressions de toutes sortes dont ils peuvent être l’objet, que pour tous les citoyens soucieux du respect de leurs droits fondamentaux; – en vertu de la Constitution, le Président de la République a le devoir d’assurer l’exécution des décisions de justice et de protéger le Magistrat contre toute forme d’ingérence, de pressions, d’interventions ou de manœuvres ayant pour effet de nuire à l’accomplissement de sa mission (article 140 alinéa 2).

En dépit de ces dispositions constitutionnelles, les Magistrats de Côte d’Ivoire notent, avec regret: – des mutations sanctions de certains d’entre eux dont le seul tort est d’avoir exercé leur office en leur âme et conscience et conformément à la Loi; -la contestation, par un membre du pouvoir législatif, de la portée de la formule exécutoire aux termes de laquelle “la justice est rendue au nom du peuple de Côte d’Ivoire” ; – des menaces provenant de certains membres du pouvoir exécutif. Ainsi, il y a quelques semaines, un membre du Gouvernement, s’exprimant au nom d’un groupement politique, s’est autorisé à adresser des menaces et injonctions à la Chambre Administrative de la Cour Suprême, ouvrant, de ce fait, la voie à d’autres justiciables, en mal de publicité, pour proférer des injures, menaces et intimidations à l’endroit des Institutions Judiciaires et des Magistrats, ainsi livrés à la vindicte populaire. Aussi, les Magistrats de Côte d’Ivoire:

1- condamnent avec la dernière énergie ces violations de la loi fondamentale et ces immixtions intolérables dans l’exercice de leurs fonctions;

2- réaffirment leur attachement au respect de l’Etat de droit et au principe de la séparation des pouvoirs, fondement de l’indépendance du pouvoir Judiciaire;

3- exhortent tous les Magistrats à resserrer leurs rangs en vue de faire face à toutes les agressions d’où qu’elles viennent;

4- invitent à la retenue tous les auteurs, commanditaires et complices des menaces, intimidations et attaques injustifiées dirigées contre les Institutions Judiciaires et leurs animateurs;

5- en appellent au Président de la République, garant constitutionnel de l’indépendance du Pouvoir Judiciaire, afin qu’il prenne des mesures propres à faire respecter la séparation des pouvoirs et à faire cesser, par voie de conséquence, les graves intrusions de nature à ébranler les fondements de l’Etat de droit. Fait à Abidjan le 16 janvier 2019