Agboville a connu une ‘nuit du Destin’ très amère. Plus de cinq cents jeunes, armés de gourdins et de pierres, et au cri de ‘on veut courant’, ont saccagé peu après 20H00, le lundi 13 juillet, l’ensemble du bâtiment de deux niveaux, abritant les locaux de la Compagnie ivoirienne d’électricité (Cie). Grilles, bureaux, portes, vitres, document, tout y est passé. Deux véhicules ont été endommagés dans l’enceinte du bâtiment, et des ordinateurs emportés. Les manifestants protestaient contre la suspension de l’électricité dans une partie de la ville, dans le cadre du délestage quotidien. «C’est du sabotage», s’écriait l’un d’eux, vu que la coupure ne soit pas générale mais ciblée seulement les quartiers Dioulakro, Sokoura etc, abritant l’essentiel des mosquées de la ville. Le courant a été rétabli, une trentaine de minutes après que les jeunes aient entamé le processus de destruction des biens. Ils se sont retirés, heureux d’avoir obtenu «victoire». La police, présente sur les lieux, était impuissante face au déferlement de jeunes gens. «On aurait mis le feu au bâtiment, si à ce moment pré- cis, le courant n’avait pas été rétabli», annonce fièrement l’un des jeunes venu de ‘Dioulakro’, un pneu rechapé à la main. Notons qu’un autre groupe d’une centaine de jeunes s’était déporté à la résidence et bureau du préfet, mitoyen du quartier ‘Dioulakro’, où il n’y avait pas aussi d’électricité, pour réclamer le rétablissement immédiat du courant. Là encore, des pierres ont été jetées, sans grands dégâts, et la subtilité du préfet, à aller au-devant des manifestants, aura permis de les éloigner peu à peu. A Agboville, on a frôlé le pire et, ironie du sort, la Cie a été la première victime sérieuse de son propre programme de dé- lestage. «Je crains une réaction aussi brutale, en cas de mort d’hommes, vu que l’hôpital de la ville ne possède pas de groupe électrogène», s’est inquiétée une mère, présente le soir même sur le site de la Cie.
Michaël Kra Correspondance particulière
Source : L’Inter N°5127 du Mercredi 15 Juillet 2015