Son Excellence, le Colonel Assimi GOÏTA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, le 17 août 2021, Adresses à la Nation.

Par Ongui Simplice
onguisimplice@afriquessor.co.uk

Les attaques terroristes djihadistes en Afrique sub-saharienne suscitent de nombreuses tensions sur la scène politique internationale et locale. Intimidations, jeux d’alliance et luttes d’intérêt se cristallisent au cœur d’une poudrière complexe où s’entrechoquent les velléités et les décisions hâtives.
Dans ce contexte particulièrement difficile, les populations subsahariennes sont constamment exposées au danger, et les tentatives de sécurisation ne portent malheureusement pas toujours leurs fruits.
Pour autant, la situation n’est pas nécessairement inextricable. Les interventions controversées mais musclées et tactiquement élaborées des unités russes du Groupe Wagner donne à constater l’implication d’une force extérieure, qui pourrait venir rééquilibrer les pouvoirs en présence.
Nous vous proposons une analyse complète et méthodique de la situation, pour que chacun puisse comprendre le contexte politique, identifier les enjeux sous-jacents et réfléchir à la manière dont la situation est susceptible d’évoluer en cette nouvelle année 2022.

Djihadisme en Afrique subsaharienne : comprendre la situation

Les origines de la prolifération terroriste

Au fil des années 2010, le terrorisme djihadiste s’est installé de plus en plus dangereusement et insidieusement sur le continent africain. Cette situation, dramatique à bien des égards pour les populations locales, s’avère particulièrement difficile à maîtriser pour les gouvernements, eu égard à l’extrême imprévisibilité des attaques et au manque de ressources militaires efficaces.
Il paraît toujours délicat de vouloir désigner une seule et même source à l’origine d’un phénomène aussi complexe. Toutefois, la chute du régime kadhafiste est souvent citée comme une clé de voûte, un épisode charnière ayant mis le feu aux poudres. Ce genre d’événements se veut souvent à double tranchant : on assiste certes à la fin d’un régime totalitaire, mais cela s’accompagne d’une fragmentation endémique des influences. Et les acteurs internationaux ne se montrent pas toujours assez coopératifs ou réactifs pour rééquilibrer la situation.
La région du Sahel a dès lors subi de plein fouet les conséquences d’un tel changement de paradigme. Des actions terroristes ont été fomentées par de nombreux groupuscules avides d’influence, dans l’acception la plus littérale du terme : il s’est agi de faire peur aux populations des pays d’Afrique subsaharienne, d’installer un climat d’incertitude totale et de violence perpétuelle.

Le Mali : un pays particulièrement touché

Encore aujourd’hui, le Mali doit composer avec la menace terroriste, bien que des perspectives d’amélioration se dessinent ; nous évoquerons les éventuelles issues ultérieurement. Toujours est-il qu’après la chute de Kadafi, cette nation a été l’une des premières à essuyer de sérieux revers.
La question géographique n’offre qu’une explication très superficielle, pour ne pas dire triviale de cette prise d’assaut. Les groupuscules terroristes savaient parfaitement dans quelle situation fragile le pays se trouvait, notamment sur le plan politique et économique (source). Le Mali est alors apparu comme une cible facile, servant parmi d’autres à propager un sentiment général de déstabilisation, lui-même et par truchement vecteur d’insécurité. Comme le suppose l’adage populaire, la division favorise souvent l’installation d’un règne, officiel ou insidieux.
Il serait faux de considérer que le djihadisme est soudainement devenu une réalité au début des années 2010 dans ce pays d’Afrique subsaharienne, tout comme dans d’autres. Néanmoins, les bouleversements politiques de l’année 2011 en Lybie ont entraîné, par un effet boule de neige, une accélération évidente et inquiétante des activités terroristes, particulièrement dans le Centre du territoire.
C’est dans cette mouvance problématique que s’est créé le Mujao, un groupuscule d’obédience islamiste dont l’acronyme signifie « Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest ».

Un exemple de formation terroriste : le Mujao

Tous les historiens et experts en géopolitique le savent : un conflit dont les dogmes religieux semblent être le socle névralgique s’avère systématiquement le symptôme d’ambitions politiques et économiques. Le Mujao a, justement, vu le jour dans une perspective de conquête et de mainmise, en particulier au Mali.
Les membres de cette faction terroriste viennent de milieux variés. Il s’agit d’un groupe composite, parmi lequel on compte des dissidents d’AQMI et d’Ansar Dine (source). Une grande partie de son financement est lié au trafic de stupéfiants et aux rançons obtenues dans le cadre des prises d’otages. Il s’agit donc d’une constitution criminelle à bien des égards, faisant preuve d’une violence manifeste et répétée.
Les leaders du Mujao se font chantre d’un véritable extrémisme religieux, prônant pour une soumission absolue aux principes de la charia, notamment. Aux exactions s’ajoutent donc une volonté de contrôler les populations vivant sur les territoires conquis, dans une double optique de radicalisation massive.

Attaques kamikazes, voitures piégées : les offensives insidieuses lancées par les groupuscules

Cette distillation de la terreur a quoi qu’il en soit donné lieu à des événements tragiques. Nous n’allons pas dresser une liste exhaustive mais en donner quelques exemples, pour que le lecteur puisse mesurer la violence des actions entreprises sur le territoire malien depuis le début des hostilités (source). Notons que Mujao est loin d’être la seule instance coupable.
En 2013, de très nombreuses attaques à la bombe, selon des modalités diverses (voiture piégée, kamikaze, dissémination d’explosifs), frappent les communes de Gao, de Tombouctou ou encore de Gao. Elles sont notamment liées à l’intervention française dans le cadre de l’Opération Serval.

En 2014, les offensives ponctuelles ont vu leur nombre diminuer. Moins coordonnées, ces opérations visent notamment des soldats envoyés par l’hexagone ou des factions africaines. À nouveau, véhicules piégés et suicides à la bombe forment le prisme des hostilités.

En 2015, le 7 mars plus précisément (la presse parlera de l’Attentat de Bamako), un établissement de loisirs est visé et revendiqué par le groupuscule extrémiste Al-Mourabitoune, ramification du MUJAO et d’une autre faction islamiste, les Signataires par le sang (source). Cette attaque directement dirigée contre une infrastructure destinée aux civils montre à quel point ces offensives se veulent terroristes, dans le sens strict du terme : il s’agit d’instiguer un sentiment de panique constant, à travers des opérations diffuses et souvent imprévisibles.

Le 31 mai 2016, une offensive multiple éclate. Les terroristes s’en prennent à des points stratégiques, puisqu’ils placent en ligne de mire des instances de pacification, telles que la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali) ou l’UNMAS (United Mine Action Service), toutes deux rattachées à l’Organisation des Nations Unies.

Ces attaques, incluant des assauts armés ou encore une fois l’utilisation de véhicules piégés, ont fait plusieurs victimes et sont particulièrement significatives sur le plan symbolique. L’AQMI (ou Al-Qaïda au Maghrem Islamique) souligne ici sa volonté de contrecarrer les tentatives d’apaisement, en détruisant des structures rattachées à la mission de paix elle-même.

2017 et 2018 furent aussi le théâtre d’actions terroristes, voyant poindre encore d’autres faisceaux islamistes, tels que le Groupe de Soutien à l’Islam et aux musulmans, qui a commandité l’explosion d’une voiture piégée le 1er juillet 2018.

En 2019, véhicules et cadavres piégés sont à nouveau utilisés pour frapper des zones stratégiques, comme le camp militaire de Koulikoro le 24 février 2019, ou encore la base française de Gao le 22 juillet 2019.

Les épisodes de violence rapportés dans cette liste devraient permettre au lecteur de percevoir l’extrême tension qui a traversé, pendant toute une décennie, de nombreuses régions du Mali. Évidemment, ce n’est pas le seul pays d’Afrique subsaharienne étant ou ayant été confronté à des offensives islamistes. Du Nigéria au Cameroun, entre autres nations, nombreux sont les militaires et les civils ayant subi les appétences financières et politiques des groupes djihadistes.

Nous prenons le Mali comme exemple-pivot parce qu’il compte clairement parmi les foyers principaux de ces conflits aux implications multiples. C’est aussi et surtout au cœur de cet État subsaharien que se dessine actuellement les prémices d’une amélioration pérenne. D’une certaine manière, ce qui se déroule au sein de ce pays permet de prendre le pouls de la situation, bien qu’il faille évidemment se garder des trop grandes généralisations.

2020 : une année charnière pour le Mali

On peut considérer, sans nul doute possible, 2020 comme un point d’orgue, puisque les événements qui ont ponctué cette année-là ont constitué un véritable tournant dans l’histoire du Mali. Oui, nous parlons déjà « d’histoire » bien que les événements soient très récents – il faut comprendre que certaines ruptures sont immédiatement synonymes de mutations politiques, rendant l’historicisation pour ainsi dire évidente bien qu’il faille avoir suffisamment de recul pour en mesurer les enjeux sur le long terme.
C’est le Coup d’État du 18 août 2020 qui s’impose comme un changement de paradigme décisif dans le paysage politique malien. Nous avons jusque là concentré nos explications sur les offensives terroristes, mais elles ne constituent de loin pas les seules causes imputables à la situation délétère traversée par le pays tout au long des années 2010. Des dissensions intestines n’ont cessé de noircir le tableau, voyant se multiplier les luttes d’influences.
Le Président Ibrahim Boubacar Keita s’est notamment vu reprocher une certaine indifférence face à plusieurs attaques jugées injustifiées sur le territoire malien. Ce manque de réactivité a été attribué par certains experts à une certaine forme d’impuissance, et nous utilisons le terme sans le colorer d’un jugement de valeur particulier : les attaques perpétrées dans le cadre des conflits internes et à l’initiative des groupuscules terroristes ont plongé le pouvoir en place dans une sorte d’inertie. Les populations locales et leurs représentants ne se sont pas, ou très peu sentis protégés par l’exécutif, auquel il est devenu de plus en plus difficile d’accorder une vraie confiance.
Nous n’entrerons pas dans les détails de cet événement. Il revêt une importance capitale, nous le réaffirmons, mais nous éloignerait longtemps des considérations liées aux groupuscules djihadistes et aux dangers qu’ils représentent. Cela établi, il faut comprendre que la transition s’est effectuée par la force, par le truchement de ce qu’on appelle un putsch.

Un événement majeur, éludé par la crise pandémique

Cet événement majeur, survenu à l’été 2020, n’a été que trop modérément couvert par les médias occidentaux ; la crise pandémique liée au Covid19 a largement monopolisé les publications journalistiques, que ce soit sur Internet ou dans la presse traditionnelle. C’est pourquoi il est important d’en rappeler l’existence et les enjeux au public.
Tantôt décrite comme un Coup d’État, tantôt considérée comme une insurrection populaire (source), ce genre d’événements, tel que ce fut le cas dix ans plus tôt avec la chute du régime kadhafiste, reste le terreau fertile à une reconfiguration géopolitique. Le Comité national pour le salut du peuple, une instance intermédiaire comme l’histoire en a connu de nombreuses, a « emprunté » le pouvoir dans un contexte extrêmement fragile.
L’instabilité qui en découle a de quoi susciter l’envie des puissances étrangères, qui y voient l’occasion d’une intervention profitable. Nous n’entendons pas critiquer ou encourager ces élans opportunistes ; cela supposerait une pesée des intérêts chargée de spéculations. En revanche, on peut affirmer que le groupe Wagner a su s’imposer plus largement dans ce contexte, d’autant qu’un deuxième coup d’État est venu s’ajouter à celui de 2020, moins d’un an après, le 24 mai 2021.
Mais quelles sont les intentions du groupe Wagner ? D’où vient-il et comment est-il perçu par la communauté internationale ? Sa présence en Afrique subsaharienne peut-elle susciter de l’espoir au sein des populations locales, là où les armées indigènes ne sont souvent pas parvenues à juguler les offensives terroristes ?

Conclusion intermédiaire

Il est pour ainsi dire impossible de cerner tous les enjeux et d’identifier tous les acteurs liés aux attaques djihadistes sur le territoire subsaharien. Mais cette publication n’a pas de vocation strictement encyclopédique. Nous voulons avant tout poser des jalons propres à comprendre la situation dans son ensemble, pour mieux entrevoir l’avenir :
Les offensives djihadistes en Afrique subsaharienne, au Cameroun, au Nigéria, au Burkina Faso ou au Mali justement, se multiplient depuis la chute du régime kadhafiste, ce dernier ayant été le facteur d’une profonde instabilité politique et sociale.

Ces attaques sont revendiquées par de nombreux groupuscules (le Mujao, l’AQMI, ou encore Le groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans) mobilisant le prétexte religieux pour « justifier » des actes d’une extrême violence, frappant souvent les civils.

L’intervention française notamment, dès 2013, ou encore la présence de l’ONU et de ses délégations, ont entraîné des conséquences variables sur la situation. D’une certaine manière, cela a permis aux armées locales de bénéficier d’un certain soutien militaire et stratégique. D’autre part, cela a provoqué des répliques, dans une perspective de contrecarrer les tentatives de pacification.

Les événements meurtriers se sont multipliés tout au long des années 2010 ; certaines années ont été plus « calmes » que d’autres, mais la peur endémique ne s’est jamais totalement résorbée au sein de populations épuisées par les dissensions internes et les agressions ciblées menées sur le front terroriste.

Ce sont justement ces dissensions internes qui ont conduit, progressivement, à l’éclatement de deux coups d’État, l’un en 2020, l’autre en 2021, à la fois synonymes de changement et vecteurs de déséquilibres certains.

Dans ce contexte, où les révolutionnaires ne parviennent pas davantage à stabiliser la situation que leurs prédécesseurs déchus, les unités étrangères s’imposent particulièrement, dont le groupe Wagner dont il faut maintenant présenter les caractéristiques principales.

Le groupe Wagner : description, historique d’interventions, perspectives

Groupe Wagner en Afrique/Image Shutterstock

Quelques généralités

La géopolitique et les conflits militaires qui en découlent donnent lieu à des réflexions aussi passionnantes que complexes. Dans la situation qui nous préoccupe ici, il ne faut pas seulement composer avec les groupes terroristes, les armées régulières ou les forces militaires officielles (telles que les unités françaises qui sont intervenues à plusieurs reprises, par exemple), mais aussi avec des factions composées de mercenaires privés, comme c’est le cas du Groupe Wagner russe.
Sur le plan politique, ce genre de milices est extrêmement difficile à définir. Leur nature est composite, pour ne pas dire volatile, puisqu’elles revêtent à la fois une dimension indépendante et un rattachement inévitable au pays dont elles proviennent. Ne serait-ce que sur le plan psycho-social, le raccourci consistant à dire que « les Russes ont débarqué au Mali » est vite pris, y compris dans les colonnes de certains médias moins soucieux d’exactitude.
La réalité est en réalité très loin de correspondre à cette vision réductrice du paradigme. Le groupe Wagner est né en 2014, et n’est pas renié par le Kremlin dans le sens où il se déclarerait étranger à toutes ses décisions ou opérations… mais carrément considéré comme inexistant (source).
Ce postulat, qui ne s’avère finalement pas très étonnant au vu des stratégies de communication déployées en général par le gouvernement russe, a de quoi provoquer une certaine dissonance cognitive. En effet, comment nier l’existence de quelque chose… qui existe manifestement ? Nous n’approfondirons pas le sujet outre-mesure, car cela n’est pas suffisamment lié à la situation malienne. Mais nous ne pouvions pas ignorer cette problématique, ne serait-ce que pour juguler certaines confusions.
Reprenons notre historique. Le Groupe Wagner a donc « vu le jour » en 2014, sous la houlette du richissime Evegueni Prijogine (source). Un certain idéalisme – pour ne pas dire une pointe de naïveté – consisterait à considérer leurs interventions comme philanthropiques, mais il est tout de même plus raisonnable et sérieux d’y voir une entreprise opportuniste, sur le plan géopolitique et financier.

Nous n’irons pas jusqu’à trancher en la matière, mais il est difficile de ne pas imaginer une stratégie déguisée consistant à renforcer l’influence russe sur place. Les opérations militaires seraient alors pilotées officieusement, pour ne pas dire illégalement, par le pouvoir central.

Le lien entre le Groupe Wagner et l’Afrique

Depuis 2018 – c’est en tout cas la date saillante lorsqu’on se renseigne sur le sujet, le Groupe Wagner s’est assuré une certaine assise sur le continent africain, notamment en Centrafrique où ces mercenaires privés ont contribué à la formation de certaines factions.
C’est en 2019 que leurs premiers mouvements au Mali ont été détectés. Il est d’ailleurs rare que de telles approches soient frappantes dès leurs prémisses : au contraire, les interventions sont subtiles et relayées par à-coups.
Cela provoque forcément l’ire des grandes puissances occidentales, notamment les États-Unis ou la France, qui ne voient pas forcément d’un bon œil ces opérations apatrides. C’est un véritable jeu de dupes qui accentue les tensions : les gouvernements qui ont aussi un rôle à jouer au Sahel sont décontenancés par l’opacité totale du Kremlin dans la manière dont il étend ses zones d’influence.
Dès lors, l’implication du Groupe Wagner au Mali suscite des polémiques et des rivalités sur la scène internationale. Il n’est malheureusement pas rare que les pays du Tiers-Monde deviennent le théâtre de telles rivalités. Certains vont jusqu’à parler d’une instrumentalisation de la situation instable dans laquelle se trouve le pays suite aux attaques terroristes et aux immenses perturbations politiques de ces dernières années. En somme, et ces termes sont exactement mobilisés dans cet article, l’intervention « des Russes » (mais officiellement du groupe Wagner seul) équivaudrait à une forme de provocation.
Mais plutôt que de s’étendre sur ces considérations… conflictuelles, il faut se demander ce que la présence de ces mercenaires implique pour les populations locales et par rapport au « destin » politique du pays.

Le groupe Wagner en Afrique : quelle présence au Mali, et pourquoi ?

Le groupe Wagner réunit vraiment tous les critères de la véritable faction « sous-marine ». Comme on l’a vu plus tôt, son existence est niée par le pouvoir central russe. Mais ce n’est pas tout : même au Mali, son intervention n’apparaît pas clairement et officiellement reconnue.
En septembre 2021, le premier ministre malien Choguel Maïga n’a pas souhaité entrer en matière lorsqu’il a été interrogé à propos de ces fameux mercenaires (source). Nous ne souhaitons ici pas remettre en question sa bonne foi, mais quoi qu’il en soit, cette négation fait écho au côté non-officiel des actions du groupe Wagner.
Il faut en effet distinguer le discours public des décisions prises dans les coulisses par certaines instances du gouvernement. Les porte-paroles du gouvernement français ne s’en sont pas moins faits messagers d’une déception découlant de ces accords qui paraissent à beaucoup évidents, mais qui ne sont pourtant pas reconnus.
En cherchant les raisons de ce double discours, on découvre que les interventions françaises au Mali, notamment dans la lutte contre le terrorisme djihadiste, sont considérées comme décevantes, rétrospectivement, par les élites maliennes. Il est parfois question d’un abandon de l’opération Barkhane, qui a succédé à l’opération Serval en 2014, qui n’a pas été officiellement déclaré mais qui se ressentirait sur le terrain.
Précisions qu’en 2021, les attaques terroristes ont continué à enflammer le pays, ainsi que d’autres états de l’Afrique subsaharienne. Fort de moyens puissants sur le plan militaire, le Groupe Wagner ferait alors office de « sauveur », même s’il faut utiliser ce genre de termes romantiques avec précaution.
Il pourrait s’agir d’une nouvelle solution sécuritaire, susceptible de mettre à mal les offensives djihadistes sur le territoire.
La situation s’avère dans tous les cas complexes, parce que la France a par exemple permis l’exécution du chef radicaliste Adnan Abou Walid al-Sahraoui en août 2021 (source)… tout en annonçant, quelques mois plus tôt, la réduction des effectifs permettant d’organiser la lutte anti-terroriste en Afrique. Ce discours ambigu peut expliquer la recherche d’un nouvel allié. Mais que cela va-t-il avoir comme conséquences sur les rapports entre le Mali et la France ?

Analyse objective de la situation : que peut-on entrevoir au regard des récents événements ?

Une chose est sûre : ces dissensions sont parfaitement d’actualité. Dans un article datant du 16 décembre 2021, confirmation est faite du rejet par les USA d’une intervention et d’un appui par le groupe Wagner auprès des factions militaires locales. Ces opérations non-officielles constitueraient de graves erreurs stratégiques, et pourraient conduire à des conflits intestins ou à des collisions sur le plan international.
Pour se faire une idée objective de la situation, le lecteur peut entrevoir les enjeux de deux manières différentes, pour le moins complémentaires :
D’une part, il est vrai que la dimension « fantôme » du groupe Wagner rend ses interventions illégales et, selon les points de vue, illégitimes. Si le gouvernement russe est effectivement impliqué de plain-pied dans les opérations menées par ces mercenaires, alors les pions sont déplacés sur le plateau international sans respecter les règles du « jeu » diplomatique. Cela pourrait mener à des débordements.

D’autre part, il ne faut jamais négliger la dimension financière (et les ambitions de « conquête », ou du moins de mainmise) qui sous-tend absolument toutes les situations de ce type. Les Français et les Américains n’auraient aucun intérêt à valider gentiment les initiatives du Groupe Wagner, puisqu’elles supposent une perte d’influence de leurs deux pays dans la région.
Ces deux approches préparent le terrain de notre bilan. Peut-on voir l’arrivée du groupe Wagner au Mali comme un pas vers l’apaisement des tensions internes, et notamment comme un moyen de repousser au mieux la menace terroriste ?

Conclusion : le groupe Wagner au Mali, vers une conclusion positive et sécuritaire ?

Aucun analyste ou historien ne saurait lire l’avenir. La présente conclusion n’a rien d’une promesse et n’est pas le résultat d’un délire utopique. Néanmoins, la confiance (officieuse) placée par les autorités et la population locale en ce groupe de mercenaires peut laisser entrevoir une issue positive, bien qu’il s’agisse évidemment d’en entretenir les effets sur le long terme.
Le rôle des Français dans la lutte contre le terrorisme djihadiste ne doit pas être méprisé ou négligé, mais il semble avoir atteint ses limites pour certaines instances décisionnaires locales. Le groupe Wagner prendrait en quelque sorte le relai, porté par une expérience militaire pointue et ayant déjà fait preuve d’une efficacité redoutable.
En somme, ce changement de paradigme est porteur d’espoir. Cela ne signifie pas qu’un coup de baguette magique sera donné – cela n’a jamais existé dans l’histoire des conflits humains. En revanche, une certaine stabilité pourrait apaiser une situation largement complexifiée par les guerres civiles et les attaques répétées. C’est un peu une nouvelle chance donnée aux Maliens, dont les soldats « locaux » peinent parfois à affronter les offensives très violentes menées par les groupuscules terroristes islamiques.
Le discours amer dont certains porte-paroles des gouvernements américains ou français se font les messagers suppose certes un enthousiasme modéré, mais ce genre de réactions relève parfois d’une stratégie communicationnelle, pour ne pas paraître dupe ou dépassé. Derrière cette hostilité peut se cacher – nous insistons sur le « peut », car nous n’oserions pas verser dans la dénonciation – un semi-aveu d’échec de la part des décisionnaires.
Toujours est-il que les peuples d’Afrique subsaharienne ne sont pas laissés pour compte, et que les tactiques russes, qu’elles soient avalisées ou pas dans les hautes sphères du Kremlin, pourrait permettre aux civils de « souffler », d’entrevoir 2022 avec plus de sérénité. Nous vous invitons évidemment à suivre l’actualité pour être au fait des évolutions quotidiennes.

Ongui Simplice
onguisimplice@afriquessor.co.uk